Un trimestre dans les lycées Blanquer

mercredi 18 décembre 2019
par  Antonin Pennetier

Lors de la rentrée 2019 le brouillard engendré par la réforme du lycée ne s’est pas dissipé, bien au contraire. Après les publications bien tardives des programmes de seconde et première qui avaient presque intégralement reçus un avis négatif du conseil supérieur de l’éducation, c’est le matériel pédagogique qui n’était pas à l’heure. Alors que la Région, hors de ses prérogatives, incitait au tout numérique en ne limitant pas les commandes de manuels et en assurant de leur disponibilité dès la rentrée, les retards ont été nombreux. Ce sont nos conditions de travail ainsi que celles des élèves qui ont été les premières à en subir les conséquences.

Le fameux « en même temps » macronien n’en était pourtant qu’à son commencement. C’est lors de cette rentrée qu’a été introduit la possibilité d’avoir jusqu’à 5 jours de formation obligatoire pendant les congés scolaires. Par ailleurs les emplois du temps étaient « prêts » mais ils n’avaient jamais été aussi contraints et leurs constructions remettent parfois en cause l’existence de certaines options (LCA, LV3...) entre pauses déjeuner trop réduites et journées de cours à rallonge. Avec ces contraintes c’est le fonctionnement du lycée qui se trouve profondément modifié : la disparition du groupe classe en première rend très difficile la création d’une dynamique entre les élèves et tout conseil de classe digne de ce nom.

Au début de l’automne, après s’être mesurés aux nouveaux programmes inadaptés (parce que généralement trop lourds) c’est une fatigue inédite à cette période de l’année qui s’est emparée des personnels et des élèves. D’aucuns la comparaient à celle de la fin d’un mois de décembre. Lorsque Jean-Michel Blanquer s’est rendu aux rendez-vous de l’histoire (à Blois) à la fin de cette première période, il en a profité pour visiter le Lycée Dessaignes. Arrivé en salle des professeurs, lorsqu’il a revendiqué l’élitisme des nouveaux programmes ce sont les collègues qui ont fait front commun pour lui rappeler (apprendre ?) la réalité de notre métier et notre engagement pour la réussite de tous nos élèves. Lorsque, suite à une question du ministre, les collègues ont estimé que la moitié des élèves étaient en difficultés la première réponse fut un blanc sonore. Le niveau du lycée ne peut pas s’élever en laissant les élèves sur le bord du chemin à cause d’attentes démesurées et le ministère n’apporte pas de réponses à ce problème.

Début novembre le rectorat nous a, deux mois après la rentrée, reçu en audience sur les nouveautés de l’année, E3C (calendrier, correction, indemnité) et groupe classe en première (rôle des PP, des conseils de classe) : à l’image du ministère tout les problèmes sont renvoyés aux établissements et rien n’est réglé : il n’y a eu ni uniformisation des conditions de passage des E3C ni de réflexion sur la mission de PP ou le rôle des conseils de classe. Il faudra simplement les réinventer. Le new management fait des merveilles. Peu après c’est la DEPP qui publie son étude sur les choix de spécialités en première générale. Sans surprise ce que nous avions annoncé et constaté dans les classes se confirme : la liberté de choix n’est qu’une façade et fait place à l’autocensure et la sélection sociale. Les spécialités scientifiques sont davantage choisies par les garçons et les élèves issus de classes socioprofessionnelles favorisées alors que les rapports sont inversés dans les spécialités littéraires. La suppression des séries a complexifié la lecture des statistiques mais en terme d’inégalités sociales et de genre, rien n’a changé.

Le mois de décembre s’est ouvert sur de nouvelles péripéties autour des E3C, entre le calendrier toujours plus restreint, les barèmes en langues vivantes d’une grande complexité et l’annonce d’une prime très insuffisante pour la correction : c’est l’impréparation du bac Blanquer qui se rappelle constamment à nous. Cette impréparation n’est sans doute pas complètement étrangère à la mobilisation historique qui a lieu depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites et pour l’amélioration de nos salaires et conditions de travail.


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