Vous avez dit les sans-avenir de l’Education Nationale ?

mardi 16 mars 2004

Le gouvernement entend s’opposer au moindre plan d’intégration des non-titulaires.

 Au congrès de Toulouse précédant la rentrée 2003, le SNES exigeait « un engagement à créer des dispositifs ambitieux de formation pour la titularisation qui dépasse le cadre de la loi Sapin ». Fin novembre 2003, une délégation du SNES reçue en audience au ministère par le conseiller social de Luc Ferry, Alain Abecassis, s’entend rire au nez que cette loi portant le nom de « Sapin » n’est vraiment plus au goût du jour. Le mot « loi », manifestement, ne fait pas sens pour M. Abecassis.

 Le représentant du ministre s’est par ailleurs pour l’avenir déclaré globalement hostile à « ces plans qui font penser aux précaires qu’ils peuvent faire carrière ».

 Ce gouvernement remet donc en cause le processus de résorption de la précarité engagé par la loi Sapin (qui reposait sur deux axes : arrêt du recrutement de nouveaux précaires et titularisation progressive par des modalités multiples des actuels précaires) et rejette d’emblée la possibilité de toute nouvelle voie de titularisation.

 Le ministre a fait passer aux non-titulaires son refus de mettre fin à leur précarité. Ce refus est depuis quelques semaines parfaitement confirmé par le nombre de postes ouverts aux concours à la session 2004.

 En effet, on constate tout d’abord une baisse drastique des postes aux concours externes qui va avoir des conséquences importantes sur le nombre de titularisations des non-titulaires (près de 6728 non-titulaires ont été titularisés depuis 2001 par les concours externes). Le nombre de postes aux concours externes est en nette diminution et totalement insuffisant pour répondre aux départs à la retraite, ce qui ouvre la voie à de nouveaux recrutements de précaires.

 Mais le plus lourd tribut est payé par les concours ouverts au titre de la loi de résorption de la précarité (concours réservés et examens professionnels, fruits de la Loi Sapin) :

 amputation de 750 postes aux concours réservés, (1000 postes contre 1750 en 2003, et contre 2450 en 2002), soit une baisse de 42%
 et seulement 650 possibilités de titularisation à l’examen professionnel. Ainsi le nombre de postes est réduit à quelques unités dans la plupart des disciplines.

 Cette réduction des possibilités de titularisation en 2004 s’ajoutent à celles de la session 2003 pour laquelle les non-titulaires avaient déjà perdu 1209 possibilités de titularisation (4999 admis en 2003 contre 6236 en 2002).

 Il s’agit bien là d’un véritable renoncement aux engagements de la loi SAPIN dont c’est l’avant dernière session. Aujourd’hui, la volonté même de résorption de la précarité dans notre secteur est remise en cause par un gouvernement qui décide de bafouer, impunément, une loi (et pas seulement un simple accord) en refusant d’assumer l’engagement de l’Etat devant la Nation que constitue cette loi.

 Cette attitude est d’autant plus scandaleuse que des centaines de contractuels sont actuellement au chômage ou contraints d’accepter de simples vacations qui hypothèquent gravement leurs droits et leurs chances d’accéder à l’ancienneté requise aux concours.

 Elle est d’autant plus inacceptable qu’il y a toujours plus de 40 000 professeurs, CPE et COP précaires en poste dans les établissements aujourd’hui.

Mettre fin à la précarité, c’est tout bonnement, pour Luc Ferry, mettre les non-titulaires à la porte.

 Le ministre s’est en effet déclaré fin octobre 2003 « prêt à ouvrir la discussion sur le problème des vacataires et des contractuels de l’Education Nationale » et à « régler le problème ». Il n’a posé qu’une condition : « l’annualisation des services » pour les titulaires, c’est-à-dire l’augmentation de leur temps de travail hebdomadaire. Les remplacements pourront ainsi se faire au sein des établissements, et il sera alors possible de « supprimer les vacataires ».

 Pour régler le problème posé par les conditions de travail précaire, supprimons les travailleurs qui subissent la précarité ! Cette logique n’a pas qu’un vice, car elle entraîne que la précarité (qui doit rester, n’est-ce pas, une constante) soit reportée du côté des titulaires et sur le métier lui-même.

 C’est dans notre académie, lors d’une visite au lycée Charles Péguy d’Orléans, que Luc Ferry est venu en personne faire savoir quelle était sa froide et monstrueuse logique.

 La voilà inoculée. Sans vergogne, sans commentaire : dans le même temps déréalisée. M.Ferry ayant fait son travail de chirurgien, il disparaît tandis que la petite phrase diffuse déjà son poison.

 Relevons la façon anodine de dire, au détour d’une conversation de quartier, mais en même temps le choix stratégique du hasard de la rencontre, au coeur de l’académie du Centre de la France. Comprenons que la boutade en aparté est tout ce qu’il y a de plus officiel. Nos hommes d’état sont bien plus occupés d’effets de mise en scène que des effets de réalité de leurs paroles.

Le ministre a fait porter à notre connaissance qu’il allait barrer notre avenir et qu’il programmait notre disparition, nous allons nous aussi lui communiquer notre vision des choses et toutes les raisons de condamner sa politique, celle en tous cas dont il est l’éphémère représentant.

 Les non-titulaires sont rompus aux menaces qui rendent l’avenir improbable, c’est leur lot depuis des années. Leur stimulation est au contraire plus forte qu’elle a jamais pu être. Ils veulent se saisir de cette année de mise en place d’une réforme qui va profondément bouleverser le système éducatif et où va bien évidemment se jouer leur sort, car ils sont un véritable enjeu dans cette affaire, pour dénoncer et condamner bien des scandales dont leur statut est le révélateur.

 M. Ferry a bien fait de nous avertir que nous n’aurions bientôt plus rien à perdre. Il a bien fait de laisser le message à Orléans. Nous allons pouvoir lui montrer quel accueil nous faisons ici à sa politique de mépris et de cynisme, et lui faire remonter la réponse des non-titulaires.

Rejoignez le collectif académique des non-titulaires


Portfolio

JPEG - 28.4 kio